Karim: «J'ai passé de sales moments. J'avais très peur de rentrer en Algérie.»

Publié le par Philippe

Karim*, un jeune gay de 18 ans, a fui son pays en 2004 alors qu'il était mineur. Sans-papiers, il était menacé d'une reconduite à la frontière, après que sa demande de régularisation a été refusée (lire Quotidien du 5 septembre).
Si le tribunal administratif a annulé l'arrêté pris à son encontre, Karim est toujours sans-papiers. Il explique à Têtu comment il a vécu ces derniers jours.

Pourquoi avez-vous quitté l'Algérie?
J'ai fui l'Algérie en 2004 à cause de ce que les gens m'ont fait subir là-bas après mon coming-out. Des insultes dans la rue, chez mes parents et des coups de la part de mes proches, de mes cousins… Sur le mur d'une maison dans le quartier où j'habitais, mon nom était peint en gros avec «pédé» écrit à côté. Très vite, je suis parti en France pour des vacances. J'ai fait croire ça à mes parents. Une fois ici, je n'ai pas voulu repartir. J'ai préféré me séparer de ma famille plutôt que de retourner en Algérie et revivre ça. En France, je vis chez mon oncle avec qui ça se passe bien. Je lui ai demandé si je pouvais rester ici pour ma scolarité et il m'a aidé dans les différentes démarches pour que je puisse le faire. Je ne lui ai pas dit que j'étais homo. Il ne sait rien de toute cette histoire d'expulsion. En janvier dernier, quand j'ai eu mes 18 ans, j'ai fait une demande de régularisation auprès de la préfecture pour avoir une carte de séjour d'étudiant qui me l'a refusée. Mon avocat, Me Landete, a fait appel en expliquant que je ne pouvais pas y retourner étant donné mon homosexualité. La préfecture m'a laissé finir mon année scolaire. Et juste avant la rentrée, elle m'a envoyé cet arrêté de reconduite à la frontière.

Quels sont vos projets? Je voudrais finir ma deuxième année de BEP en comptabilité pour passer un bac pro et j'espère pouvoir ensuite m'inscrire en BTS commerce. À Bordeaux ou ailleurs, ça m'est égal. Je me sens bien ici, j'y ai des copains homos que je vois souvent et avec qui je sors en boîte le samedi soir. Mais, l'important, ce sont mes études. Je ne sais pas encore très bien ce que je veux faire plus tard. Si je ne trouve pas de boulot dans ma branche, je suis prêt à exercer n'importe quel boulot.

Comment avez-vous vécu toute cette procédure judiciaire? Le plus dur a été cette dernière semaine. J'ai passé de sales moments. Je n'ai pas dormi la veille de la décision du tribunal administratif. J'avais très peur de rentrer en Algérie. J'ai reçu l'arrêté de reconduite à la frontière la veille de ma rentrée. Je n'ai pas pu aller en cours de toute la semaine. Là encore, l'affaire n'est pas terminée. La préfecture a un mois pour faire appel. Je suis stressé, car maintenant j'attends la suite.
* Le prénom du jeune homme a été modifié.

Paru dans tetu.com


par Cyril Vergès
- Info du 13 septembre 2006

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